Vers une nouvelle internationale syndicale jaune ?

Publié le par css

Compte-rendu de la demi-journée d’étude
organisée par l’U.D. CGT de Paris le jeudi 24 août 2006 sur « la nouvelle Confédération internationale »
 
 

Le 24 août s’est tenue une réunion de militants de l’UD de Paris qui a regroupé 90 participants. Les camarades ont demandé pourquoi ils n’avaient pas reçu les textes sur la nouvelle internationale pour permettre la discussion. Nous publions ci-dessous des extraits des interventions que nous a envoyé un participant.

Nous avons appris depuis que le 30 août, plusieurs UD et fédés ont envoyé aux membres de leur Commission exécutive un courrier de la direction confédérale aux membres du CCN comprenant les derniers documents sur la nouvelle internationale : projet de statuts et programme d’action.

Nous ne pouvons que nous féliciter que la discussion puisse maintenant avoir lieu. Bien évidemment elle doit pouvoir se mener avant le CCN dans toutes les UD et toutes les fédérations et dans tous les syndicats et en ayant connaissance du projet que la CE confédérale soumettra au CCN. Le comité de rédaction du bulletin se réunit le 9 septembre. Dans le respect des prérogatives syndicales il discutera du contenu de ces documents.

 
 

Introduction au débat par Patrick PICARD (Responsable UD Paris) :

Un processus est engagé depuis 2004 pour la construction d’une nouvelle organisation syndicale internationale. La CGT est partie prenante de cette discussion. Un compte-rendu en a été fait au 48ième congrès. Le congrès de fondation de cette nouvelle Confédération mondiale se tiendra en Autriche, au mois de novembre 2006. Nous n’avons pas encore les textes définitifs (statuts, programme d’action), on espère les avoir très rapidement. Dans le contexte international actuel (Liban, Palestine) … et confrontés à la mondialisation libérale qui aggrave la pauvreté, où les multinationales multiplient les fusions-acquisitions, le syndicalisme est confronté à de nouveaux défis. Force est-on de constater que jusqu’à maintenant le syndicalisme à l’échelle internationale est inefficace. La CGT estime urgent de travailler à un syndicalisme plus efficace, et aussi plus combatif pour être en capacité de peser. C’est pourquoi la CGT, qui depuis 1995 n’est plus adhérente à une organisation internationale, a répondu favorablement pour participer au groupe de travail avec la CISL et la CMT. Des principes de bases pour cette nouvelle organisation internationale ont été élaborés, ils ont été publiés dans Le Peuple :

-          Unitaire, indépendante et démocratique

-          Le travail humain est supérieur au capital

-          Agir pour les droits humains fondamentaux

-          Pour un syndicalisme de transformation sociale

-          Développer les liens avec la société civile

Notre souci aujourd’hui est de mettre en capacité les militants d’organiser les débats dans les syndicats. Le CCN se réunit le 27 septembre pour décider si la CGT adhère ou pas à cette nouvelle organisation. La CE de l’UD de Paris qui se réunira le 20 septembre devra se positionner pour donner mandat à son représentant au CCN. Savoir si la CGT continue de s’associer ou pas à cette construction. Des questions nous sont posées : est-ce que cette nouvelle organisation, ses objectifs et ses pratiques convergent avec les nôtres ?

Guy JUQUEL (Responsable confédéral « Espace Europe International ») :

J’ai participé à toutes les discussions de ce processus avec la CISL et la CMT. Je peux donc en témoigner comme acteur direct. Nous n’avons pas les dernières moutures des statuts et programme d’action, mais Le Peuple a publié des documents depuis plusieurs mois. On a eu déjà 3 moutures et les UD, Fédés et régions les ont eu également. On attend le programme d’action qui était embryonnaire. Dès qu’on l’aura, on l’enverra aux organisations. Le 48ième congrès a défini une orientation : il a été décidé à plus de 80% d’approuver la démarche entreprise (décision n°5). Le CCN du 27 septembre devra décider. Aujourd’hui il y a une phase d’accélération de la mondialisation, au profit des intérêts des multinationales, au détriment des intérêts des salariés. Il faut un renouvellement profond du syndicalisme international. La division syndicale de 1947 (FSM, CISL …) n’a plus de raison d’être aujourd’hui. Il y a eu la chute du mur de Berlin. La CGT ne doit-elle pas saisir l’opportunité d’être un acteur de la construction de cette nouvelle organisation ? Elle peut peser, elle a déjà fait bouger des choses : au départ le projet de statuts mentionnait l’héritage historique de la CISL et de la CMT. Nous avons obtenu que cela soit retirer. Nous avons également obtenu que soit affirmée dans les statuts l’autonomie des organisations affiliées. Reste à préciser le rapport entre cette nouvelle organisation et les fédérations professionnelles (FSI). Pour les organisations régionales, ce qui est proposé c’est qu’elles soient intégrées dans la nouvelle confédération mondiale. En ce qui concerne les cotisations, il y eu discussion et il est proposé 5 niveaux de cotisation en fonction du PIB de chaque pays.

Si nous confirmons notre engagement, lors du congrès d’ouverture en novembre nous aurons une place dans les organismes de direction de cette nouvelle confédération.

Discussion

• Une militante du transport : Concernant la démarche entreprise pour une nouvelle organisation internationale, je ne suis pas aussi optimiste que toi. Cela ne m’emballe pas trop. A la tête des deux organisations initiatrices, ce sont surtout des bureaucrates syndicaux alors que la CGT a un esprit militant.

• Un militant de la Construction) : Je me félicite de l’organisation de ce débat. Concernant cette nouvelle organisation, il y a une ambiguité : l’on nous dit c’est la construction de quelque chose de nouveau et non pas une fusion. Pourtant dans les faits il s’agit bien d’une fusion entre la CISL et la CMT, c’est-à-dire la fusion des libéraux et les cathos. Comme si en France, FO se mariait avec la CFTC. Je ne prendrais pas les gamins … ! Et il faudrait être partie prenante ? En 1995 on a quitté la FSM pour adhérer à la CES. Qu’est-ce que cela nous a apporté ?

Guy JUQUEL : C’est vrai que la CISL avait des pratiques bureaucratiques, orientées vers le lobbying. Dans la discussion, ils ont fait une sorte d’autocritique sur ces pratiques. Les choses évoluent positivement comme nous avons fait évoluer les choses au sein de la CES (mobilisation contre la directive Bolkenstein, euro-manifestation à Strasbourg, …).

• Un militant du Comité de chômeurs : On nous parle de nouvelle organisation avant même de savoir sur quoi on est d’accord. La lutte de classe existe et en Europe ils tentent de la criminaliser (résolution du Conseil de l’Europe).

• Un militant de la Construction : Je pense que ce débat est très important. Dans la Construction, nous sommes très sensibilisés à cette question de la solidarité internationale du fait de que la majorité des travailleurs et de nos syndiqués sont issus de l’émigration. Pour permettre à tous nos militants et syndiqués d’appréhender les enjeux de cette question d’une nouvelle organisation internationale, il me semble nécessaire de l’aborder concrètement : de quelle organisation internationale avons-nous besoin pour aider à la mobilisation, pour faire avancer nos revendications ?

Je travaille au sein du Groupe VINCI, multinationale présente dans le monde entier et premier groupe mondial du BTP. Nous sommes aujourd’hui confrontés à la politique patronale de fusion-acquisitions, entraînant restructurations, délocalisations et licenciements. Nous nous battons contre cela : actuellement le Groupe VINCI est en train de fusionner les deux grandes entreprises de la Construction que sont SOGEA et GTM. A l’appel du syndicat CGT, 150 salariés se sont rassemblés le 22 juin dernier au siège de VINCI. Nous avons obtenu un premier recul de la direction qui s’est engagé à ce que cette fusion, qu’elle appelle « rapprochement », n’entraîne aucun licenciement et aucune mutation forcée.

Ce dont nous avons besoin c’est d’une confédération syndicale internationale qui combatte les restructurations, les délocalisations, pour aucun licenciement … .

Or, quand je lis les projets de statuts de la « Nouvelle Confédération mondiale », et en particulier la déclaration de principes, je me pose des questions : on n’y trouve que des termes très généraux comme « lutter pour la gouvernance démocratique … », « stratégies de capital humain », « accès au travail décent indispensable à un développement juste et durable » … etc.

Cela me pose d’autant plus de questions que j’ai récemment appris que le Groupe VINCI était signataire d’un Pacte mondial mis en place sous l’égide de l’ONU et appelé « Global Compact ». Et quand je lis les « engagements » contenus dans ce pacte, j’y retrouve le même genre de formulations générales que dans les projets de statuts de cette nouvelle confédération mondiale : « soutenir et respecter la protection du droit international relatif aux droits de l’homme …», « faire respecter le droit du travail », « éliminer la discrimination », …etc. On croit rêver, c’est le même Groupe VINCI qui restructure, licencie, réprime les militants syndicaux … !

D’ailleurs, concernant les bases de principes de la nouvelle Confédération qu’on nous invite à rejoindre, il y a également quelque chose qui me gène. Guy JUQUEL a cité tout à l’heure un de ces principes qui serait que « le travail humain est supérieur au capital ». Pour moi le travail humain n’est pas supérieur au capital, il lui est antagonique. Patrons et ouvriers ont des intérêts totalement contradictoires et le syndicat s’est constitué pour défendre les intérêts particuliers des salariés, pour l’abolition du capital. C’est sur cette base de lutte de classe que s‘est constituée historiquement la CGT. Et c’est sur cette base que nous y avons tous adhéré.

Donc ce que nous avons besoin, c’est d’une confédération mondiale qui défende les revendications et non pas qui accompagne la politique destructrice des patrons comme le fait par exemple la CES qui, à l’occasion de la réunion des ministres de l’emploi des pays de l’Union européenne à Helsinki et à laquelle elle a participé, déclare le 06 juillet dernier « La CES fera valoir que les syndicats doivent jouer un rôle plus actif dans l’anticipation et la gestion des restructurations à tous les niveaux. Il convient … de permettre aux travailleurs d’anticiper et de préparer le changement … » ! ! !

Nous avons besoin d’une internationale qui combatte pour des augmentations de salaires et non pas d’une organisation qui telle la CES prône la modération salariale : en octobre 2004, après une rencontre avec les dirigeants de la Banque Centrale Européenne, elle avait déclaré : « Il y a une position commune sur la question des salaires, selon laquelle la hausse des prix du pétrole ne doit pas entraîner une surenchère des revendications salariales » ! ! !

• Un militant de la culture : Je reprends l’intervention précédente sur le terme « luttes de classes », ce terme existe toujours dans les statuts de mon syndicat, je pense qu’il y en a encore beaucoup d’autres où c’est le cas ! A propos de la CES, qui fera partie de cette confédération internationale, n’a t’elle pas appelé à voter Oui à la constitution européenne ? Et elle l’a réaffirmé en juin dernier, la constitution européenne est une bonne chose ! On sait tous que le vote du CCN pour appeler au vote Non a été repris par plein de syndicats et de militants, dans l’UL du 13ième ou je milite, 30 à 40 000 tracts ont été diffusés. Je travaille aux Gobelins, nous avons une inquiétude à propos de la réouverture de la Galerie qui doit ouvrir l’année prochaine. Nous voulons que le personnel qui y travaillera soit des agents de l’Etat sur des postes statutaires, comme tous les autres services. Nous menons une bagarre dans l’unité avec FO pour demander confirmation au Ministre de la Culture. L’année dernière, nous avions mené une action unitaire avec FO pour le recrutement des élèves qui suivent une formation sur place, sur des postes statutaires et l’ouverture de concours pour les ateliers, que nous avons obtenu, ça se met en place cette année !

Je vous informe que le Quai Branly qui vient d’ouvrir, a fait appel à des entreprises privées pour l’accueil, la surveillance …, comme le Grand Palais l’année dernière ? La privatisation du Ministère de la Culture, tout cela n’aurait rien à voir avec le Pacte de stabilité imposé par l’U.E. ? Et on sait que la CES est d’accord avec cela.

Le gouvernement a annoncé une augmentation pour tous les fonctionnaires, avant il le budgétisait, maintenant avec la L.OL.F., chaque ministère se démerde. Ils vont continuer à supprimer des postes, privatiser des services ….

Quant aux statuts de la nouvelle organisation mondiale, comment avoir la discussion dans nos syndicats sans les textes ?

• Un militant de la recherche :

Nous nous réunissons pour un premier débat concernant la création d’une nouvelle Internationale syndicale.

Cette question est un enjeu majeur compte tenu de la place occupée par notre confédération.

Bien sûr, tout le monde est pour la solidarité entre les peuples et pour une véritable Internationale syndicale ; c’est pourquoi, bien sûr, le débat ne porte pas là-dessus.

Alors comment appréhender les véritables enjeux de cette future Internationale syndicale par rapport à notre militantisme syndical quotidien ?

Dans mon milieu de travail, la recherche et l’enseignement supérieur, nous sommes confrontés, comme dans tous les secteurs, à une offensive destructrice :

4 mise en place des pôles de compétitivité qui assujettissent des pans entiers de la recherche publique aux besoins immédiats de profit des entreprises, pour ces raisons ma section syndicale, mon syndicat condamne la politique des pôles de compétitivité,

4 privatisation du doctorat : avec le projet d’arrêté adopté au CNESER le 5 juillet dernier, un établissement privé pourra le délivrer. L’université en perd donc le monopole au profit du patronat. C’est aussi la privatisation-destruction de pans entiers de recherche fondamentale,

4 poursuite de la mise en place du LMD dans les universités et les Grandes écoles, qui détruit les diplômes nationaux, c’est à dire la reconnaissance des diplômes nationaux . Il peut aussi y avoir d’autres conséquences. Ainsi l’école où je travaille, l’ESPCI, et qui délivre un diplôme d’ingénieur Bac +6 est sommée par la commission des titres de réduire à Bac +5 le niveau de son titre d’ingénieurs car comme chacun sait LMD ne connaît que les niveaux bac +3-5-8 !. Avec le risque que la subvention versée par la Ville de Paris qui est sa tutelle soit réduite de 25% !

4 avec la mise ne place de l’Agence nationale de la recherche, c’est une extension à un degré inconnu jusqu’à présent de la précarité dans les laboratoires de recherche publique, alors qu’il y a deux ans les chercheurs s’étaient mobilisés en masse contre la transformation de postes de fonctionnaires en CDD.

Ces mesures, nous le savons, ne tombent pas du ciel. Elles sont l’application directe de la politique menée par l’Union européenne : Programmes-cadres communautaires de recherche et développement, Pôles d’excellence, Processus de Bologne…

J’en reviens maintenant au débat sur le contenu de la nouvelle Internationale syndicale.

J’ai sous les yeux la résolution adoptée par le Comité exécutif de la CES lors de sa réunion des 19 et 20 octobre 2005 à Bruxelles, auquel camarade Guy Juquel tu as certainement dû participer. Ce Comité exécutif de la CES s’est donc déroulé quelques mois après la victoire du NON au référendum, contre la Constitution que voulait mettre en place l’Union européenne.

Dans cette résolution adoptée par la CES on peut lire :

« $2. Ouvrir l’enseignement supérieur à l’industrie et à l’ensemble de la société :

La CES estime qu’une nouvelle approche est nécessaire, avec des réformes radicales des systèmes d’enseignement et de formation professionnelle, afin de répondre aux besoins des individus, de la société et de l’économie Pour l’enseignement supérieur, il s’agit d’ouvrir les universités à la société élargie ». Mais la ‘’société élargie’’, ‘’ouvrir à l’industrie’’, c’est exactement ce qui s’est passé avec la privatisation du doctorat au détriment du monopole universitaire quant à son attribution. !

D’ailleurs cette résolution explique aussi : « $6 Le « processus de Bologne » qui visait à établir un espace européen d’enseignement supérieur est un processus positif et important ». Positif, le LMD qui détruit les diplômes nationaux, c’est à dire la formation initiale base de la reconnaissance de la qualification dans les statuts et les conventions collectives !?

Or, la CES occupe une place très importante dans la constitution de la nouvelle Internationale syndicale.

Je pose le problème : du point de vue des personnels de la recherche publique et des Universités confrontés aux pôles de compétitivité, à LMD : quel contenu, quel rôle pour la nouvelle Internationale syndicale ?

Nous nous devons, comme CGT, avec les personnels :

- de dire  non à LMD, non aux pôles de compétitivité,

- de refuser Maastricht et les privatisations,

pour préserver l’Université et la Recherche publique.

Il s’agit d’un problème fondamental d’avenir de la société.

Et pour moi, le débat sur la nouvelle Internationale syndicale, c’est ça. C’est pourquoi il nous faut le programme d’action, même en version provisoire - c’est une question de démocratie ! La confédération, l’UD, doivent le remettre aux syndicats !

• Un représentant d’une UL : Cette question de l’internationale est fondamentale. D’abord je fais une remarque sur la forme : alors que sur la question de la Constitution européenne on a débattu pendant des mois et la direction de la Confédé nous disait « Il ne faut pas se prononcer maintenant, il faut prendre le temps, … la démocratie …etc », tout cela pour ne pas se prononcer, aujourd’hui, on est le 24 août et on a toujours pas les textes, et on nous dit : il faut se prononcer le 27 septembre : on prend les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages !

Les rapports antagonistes entre le capital et le travail, ils existent toujours ! La CISL ? Cela m’interroge fortement, elle a toujours eu une position qui n’était pas le soutien des luttes en priorité. L’on nous dit aujourd’hui que la CGT n’aurait plus d’activité internationale, mais c’est oublier que bon nombre de fédérations ont des liens et des actions à l’échelle internationale (par exemple : Les Cheminots …). J’ai l’impression qu’avec cette nouvelle organisation internationale on est en train de faire par en haut un truc qui ressemble furieusement à la CES au niveau européen !

• Un militant cheminot : Le cadre dans lequel on veut nous entraîner : l’impérialisme, pour maintenir sa domination, a besoin d’un consensus avec le monde du travail. La seule réponse à lui apporter, c’est la construction d’une organisation internationale qui soit antagonique avec le capitalisme, pour créer un rapport de force favorable aux salariés. Oui à une recherche de coopération internationale, mais fédérer sur une base de classe.

• Une militante de (UGICT-Paris) : J’ai aussi des interrogations et regrette que l’on ait pas eu les textes. J’étais favorable à l’adhésion de la CGT à la CES. Je suis également pour que la CGT rejoigne cette nouvelle confédération internationale, mais avec des réserves. Il nous faut être attentif au contenu réel et au programme d’action.

• Un militant de la poste: Je suis d’accord avec le camarade qui a dit tout à l’heure que le travail n’est pas supérieur mais antagonique au capital. C’est important car il me semble que dans le processus de construction de cette nouvelle organisation internationale, tout est ouvert … sauf la question de la lutte de classes ! Sur la question du « travail décent », ce terme pose problème car il est tellement vague que cela permet de considérer que le CPE, par exemple, est un travail décent !

Un Secrétaire de l’URIF-CGT : Le processus de discussion sur la nouvelle organisation mondiale est engagé depuis maintenant deux ans. C’est une enjeu sérieux pour tous les syndicalistes de la planète. Il y a un réel besoin de se rassembler. Les discussions vont se poursuivre. Si certains syndicats nationaux ont une approche différente de la nôtre, nous, nous y allons avec nos valeurs. Le choix pris par la CGT d’aller dans cette construction est important. La question qui nous est posée : comment faire que de ces questions le bien commun de nos syndicats ?

• Un militant des Banques : Sur ce débat, je suis très intéressé. Il y a une tentative pour construire une nouvelle confédération internationale et elle sera pluraliste. Comme la CGT est pluraliste. Le concept de lutte de classe est aussi pluraliste. Je ne suis pas un nostalgique de la FSM où il y avait des syndicats des pays de l’Est qui étaient en fait dominés par les gouvernements. Maintenant il faut voir le contenu qu’il y a derrière. Et ce qui me gêne, ce sont les délais : CCN LE 27 septembre, congrès à Vienne en novembre. Comment peut-on se prononcer alors que l’on n’a pas le projet de statut définitif ? Sans document, comment mettre en œuvre une décision ? Cela n’est pas très sérieux ! Si l’adhésion doit se faire, c’est quelque chose d’important, de fondamental. Il faut y aller les yeux grands ouverts. On ne pourra juger qu’à partir des documents. Nous ne devons pas prendre une décision de façon caricaturale, à la va-vite. Ne pas prendre cela à la légère, ne pas se précipiter. Et si au CCN on n'est pas prêt pour prendre une décision, et bien tant pis ! Ce n’est pas grave si on adhère pas tout de suite au congrès de Vienne. Et tant pis si on perd tel ou tel poste, telle ou telle présidence au sein de cette organisation ! La CGT ne s’achète pas ! Si on décide d’y aller cela doit être de façon consciente ! Notre UD doit peser pour que la Confédération aille dans ce sens.

• Un militant de France-Télécom : L’union fait la force, sur le principe tout le monde est d’accord. Mais l’unité ce n’est pas toujours facile, on le voit tous les jours chez nous. Ce n’est pas pour cela que l’on renonce à construire l’unité, car on n’a pas le choix. Ceci dit, il nous faut réfléchir. Nous avons l’expérience malheureuse de la CES. Il y a un problème de transparence et d’indépendance de cette organisation et l’on n'est pas capable au sein de la CES de peser pour modifier les choses. Est-ce que la CGT sera capable d’exprimer des désaccords avec telle ou telle position que prendra la nouvelle Confédération ? Il y aura des compromissions. Je me pose une question : est-ce que la situation des salariés sera plus favorable ou moins favorable si la CGT participe à cette nouvelle Confédération internationale, qui de toute façon verra le jour ?

• Une militante de la Métallurgie : Sur cette question, ce qui me préoccupe, c’est quel positionnement aura la CGT au sein de cette Confédération mondiale ? Car le débat sur le traité constitutionnel européen a laissé de mauvais souvenirs. C’est ce qui m’inquiète, on a des doutes. Du point de vue de la démocratie, il est inadmissible que nous n’ayons pas les projets de statuts. Si on nous dit : « On vous consulte, mais la décision est déjà prise. », je ne suis pas d’accord ! Quelle relation aura cette nouvelle organisation avec la CES ? On a peur d’être noyés !

• Un militant du Commerce : On est confrontés à la mondialisation. Carrefour supprime 3000 postes en France et en ouvre au Brésil. Notre Fédération a besoins d’avoir des contacts, des liens à l’échelle internationale. Cette nouvelle Confédération internationale doit nous y aider.

• Anne LE LOARER (UD Paris) : Je me réjouis de la participation à cette assemblée. Je rappelle que le 48ième congrès a approuver la démarche pour construire une nouvelle organisation internationale. On a eu 3 moutures des projets de statuts. Ils ne sont pas définitifs, mais il n’y aura pas de grands changements. Dés qu’on aura les documents définitifs au niveau de l’UD, on les diffusera le plus rapidement possible. Il nous faut placer le débat dans nos syndicats. Nous devons en prendre l’engagement de façon à mettre la CE de l’UD le 20 septembre en position de prendre une décision.

• Un militant des services publics : La construction d’une nouvelle internationale syndicale ? Bien sûr, sur le fond, on ne peut qu’être favorable, encore faut-il définir sur quelles bases et pour quels objectifs ! Et de ce point de vue, il me semble essentiel de bien apprécier le contexte politique dans lequel s’inscrit ce projet.

Depuis quelques années, les institutions officielles du capitalisme (FMI, Banque mondiale, OMC, Union européenne, etc…) ont développé une nouvelle stratégie baptisée « Nouvelle gouvernance mondiale », qui vise à réorganiser l’ensemble de la société sur de nouvelles bases, permettant d’assurer la survie de l’ordre mondial en tentant de surmonter la crise profonde qui le secoue.

Or l’un des éléments fondamentaux de cette stratégie, c’est l’intégration des organisations syndicales dans ce que l’on appelle aujourd’hui la « société civile », grand magma informe dans lequel se dilue toute notion de lutte de classes.

Voici d’ailleurs la définition de cette « société civile » que donne la Banque mondiale elle-même dans l’un de ses textes : elle est «…composée d’ONG (organisations non gouvernementales), de groupements d’obédience religieuse, de syndicats, de groupes de populations autochtones, d’organisations caritatives, de groupements communautaires et de fondations privées…»

Et la Banque Mondiale, dont toute la stratégie s’appuie sur «…des partenariats entre la société civile, l’Etat et le secteur privé…» se félicite de constater que «…le nombre d’ONG internationales seraient passé de 6000 en 1990, à 26000 en 1999…» et ajoute même cyniquement que l’un des avantages de l’utilisation de ces ONG - qu’elle subventionne d’ailleurs abondamment - réside dans «…la promotion d’un consensus général et un appui local aux réformes…» ! Nous savons d’expérience ce que le terme de « réformes » signifie dans le langage de ces gens-là…

Prenons garde que les orientations de cette nouvelle Confédération Syndicale Internationale ne la conduise pas à s’intégrer à ce processus qui risquerait, à terme, de faire perdre toute indépendance aux organisations qui la composeraient donc, au premier chef, à la CGT.

A l’échelle européenne, nous avons déjà pu mesurer le rôle que joue aujourd’hui la CES dans la mise en place de ces prétendues « réformes », dictées par l’Union Européenne et ses traités successifs.

Le 29 mai 2005, comme une large majorité de la population dans ce pays, j’ai voté contre le projet de constitution européenne pour porter un coup d’arrêt à cette politique de privatisation et de destruction des acquis sociaux. Mais souvenons-nous que la CES avait appelé à voter "OUI" au référendum et le 7 juin dernier, j’ai pu lire avec consternation mais aussi avec colère que «…la CES estime que la question de la Constitution ne peut simplement être mise de côté. Elle continue à soutenir le texte existant comme étant la meilleure option disponible…» Or la CES joue un rôle central dans la constitution de cette nouvelle internationale syndicale !

Alors il faut être clair ! Si c’est pour reproduire, à l’échelle internationale, l’expérience que nous connaissons déjà au niveau européen avec la CES, je pense qu’il faut être extrêmement circonspect et il me semble qu’il serait irresponsable de nous prononcer sur l’adhésion à une telle structure sans avoir débattu, en toute connaissance de cause et au vu des textes, sur les statuts et les orientations de cette nouvelle organisation.

• Une militante de la Fonction publique : Je rappelle la tenue de groupes de travail avec les confédérations sur la refonte du Code du travail. Je vous informe qu’il y a une réorganisation du Ministère du travail avec notamment la suppression du bureau des syndicats et du bureau des conventions collectives, qui sont remplacés par un nouveau bureau des relations individuelles et collectives.Lorsque l’on voit l’évolution de la CGT depuis qu’elle a adhéré à la CES, il y a de quoi être inquiet sur cette question d’une nouvelle organisation internationale.

Didier NIEL (Secrétaire général de l’UD) : Comme toute construction ou action, on ne connaît pas le résultat final. On peut toujours faire la liste de tous les dangers possibles. Cette nouvelle organisation ne sera pas identique à ce qu’est la CGT aujourd’hui. C’est le rapport de forces qui fait bouger l’adversaire. Il nous le faut au niveau français, européen et international. Notre adhésion à la CES a été positive. Cela a permis à la CGT de rencontrer un certain nombre d’organisations syndicales. La CGT a une place importante et est reconnue dans le syndicalisme international. C’est vrai, il n’y a pas beaucoup de temps pour décider. Mais le processus est engagé depuis 2 ans et Le Peuple en a rendu compte. Le problème n’est pas d’avoir des postes au sein de cette nouvelle organisation, mais n’est-ce pas important d’être dans cette Confédération dés le début plutôt que d’attendre ?

 

Guy JUQUEL : C’est normal que nous ayons un débat contradictoire. Sur les délais trop courts, ce n’est pas nous qui avons décidé des échéances. Et c’est vrai aussi que cette question n’a pas été prioritaire dans le travail des organisations de la CGT. Depuis septembre 2004 il y a eu 5 numéros du Peuple qui a rendu compte des discussions. Les textes des projets de statuts ont été envoyés aux UD, Fédés et comités régionaux le 22 mars 2006. Il n’y a pas eu de retour. Nous n’avons pas les dernières moutures, même si je pense qu’il n’y aura pas de changements fondamentaux dans les textes. Dés qu’on les a, on les envoient. Il y aura un dossier dans Le Peuple de septembre. Mais on n'est pas là pour éplucher ligne par ligne les projets de statuts. Il y a une orientation qui a été adopté au 48ième congrès, on a eu ce débat. Il y a une différence entre fusion CISL-CMT ou création d’une nouvelle internationale. Elle va se construire sur une base tripartite CISL-CMT-non affiliés. Sur la FSM, elle ne représente plus grand chose, et la principale décision de son dernier congrès a été d’envoyer un message de condoléances suite à la mort de MILOSEVIC ! La CES est impliquée dans la construction de cette nouvelle organisation par le comité pan-européen. Pour répondre aux interrogations sur « travail décent », cela signifie que tous les salariés ont droit à une rémunération correcte et à la protection sociale. Quand on sait que 80% des travailleurs des pays du tiers-monde sont dans l’économie informelle ! Sur la gouvernance : cela implique une réforme profonde de toutes les institutions internationales (ONU, OMC, FMI, …etc). Changer le cours de la mondialisation, c’est transformer le Capital. Concernant le lien avec la Société civile et ce que viennent de dire certains camarades : les camarades d’organisations comme ATTAC, qui font un gros travail, apprécieront … ! Les syndicats doivent travailler avec les ONG.

Publié dans CGT

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